Un logis Alchimique oublié :
L'église de Saint-Grégoire-du-Vièvre


Première partie

Un rébus sur la pierre


 




Introduction

Le rébus qui va être présenté dans cette étude n'a jamais été résolu officiellement. Toutefois, certains détails de l'énigme soulignent sa teneur alchimique, aussi sa place se trouve tout naturellement parmi les logis alchimiques dont Fulcanelli a commencé a révéler l'existence dans ses ouvrages (ainsi d'ailleurs que Grasset d'Orcet dans ses matériaux cryptographiques). Ce rébus, très modeste en apparence, se trouve inscrit sur le mur sud de la petite église champêtre de Saint-Grégoire-du-Vièvre, dans l'Eure.

Une introduction préalable à l'environnement géographique et historique dans lequel se trouve cette église mérite toutefois d'être exposé pour mieux appréhender le rébus.



La forêt de la Vouivre

Le petit village de Saint-Grégoire-du-Vièvre, dans l'Eure, se trouve au milieu de ce qui se trouvait être dans le passé la grande forêt du Vièvre, un des lieux de chasse de prédilection des anciens ducs normands.

On retrouve d'ailleurs en Europe beaucoup de mots dérivants de la Nwyvre des Celtes: la Vosvre, la Vaur, la Voivre, la Vièvre, Vabres, Vouivre, Guivre, Giverville, Gabre, Vabre, Vaurillon, etc...

L'origine et le sens en sont toujours identiques: forêt de la Vouivre et donc, conséquemment, du Dragon.

La Vouivre est en effet, dans les légendes populaires, la femme-dragon (ou femme-serpent), qui se pare de perles et d'escarboucles pour mieux enjôler le badaud et qui hante les légendes des anciennes forêts.


Le nom de Vièvre pour cette forêt est d'ailleurs à rapprocher d'une autre grande forêt, beaucoup plus célèbre celle-là et située à l'est de la France: la forêt de Woëvre, où le roi Dagobert II a été assassiné pendant une partie de chasse, ce qui sonna la fin de la dynastie mérovingienne.

 

Les tueurs de dragons de la forêt du Vièvre

Avant de présenter le logis alchimique de Saint-Grégoire-du-Vièvre, il importe de développer un aspect très caractéristique des villages se trouvant dans la forêt du Vièvre.

Il n'y a absolument aucune légende directe de tueur de dragon dans cette forêt du Vièvre, et pourtant une fantastique et mythique bataille nous est révélée dans le nom de plusieurs villages du Vièvre à peine éloignés des uns des autres de quelques kilomètres:

Saint-Grégoire-du-Vièvre, Saint-Georges-du-Vièvre, Saint-Benoit-des-Ombres

Ces trois villages ont en commun la dénomination d'un saint sauroctone (tueur de dragon).

Ainsi Saint-Grégoire qui, par le biais de Saint-Michel, vainquit le dragon qui anéantissait les habitants de Rome aux Vème siècle par son souffle empoisonné.

De même pour Saint-Georges, qui est célèbre pour avoir vaincu le dragon qui demandait une jeune fille en tribu à une ville, menaçant ses habitants de son souffle pestilentiel (Voir l'image à gauche).

Enfin Saint-Benoit qui, d'après la Légende Dorée, sauva un jeune moine du doute en le recueillant après qu'il ait été effrayé par un dragon (le paganisme) en voulant fuir son monastère.

Ces tueurs de dragon associés à des noms de villages sont la signature pour la postérité du combat qui confronta les prédicateurs chrétiens en Normandie face au paganisme alors de mise aux premiers siècles après Jésus-Christ. Ces évangélisateurs avaient pour nom, en cette partie de Normandie: Saint-Ouen, Saint-Marcouf, Saint-Wulfran, ...


Ces mêmes païens élevaient aussi des pierres (menhirs). Or la légende est tenace suivant laquelle ces pierres seraient posées sur les lignes de forces telluriques, appelées aussi justement Vouivres.

Par conséquent, de même que l'on usait d'un saint sauroctone pour récupérer les lieux païens empoisonnés ("le souffle du dragon" se trouvait surtout dans les marais), il est aussi très probable que l'on utilisait les noms de saints ayant rapport avec la pierre pour christianiser en douceur les lieux à menhirs.

Ainsi, dans la forêt du Vièvre trouvons nous des noms de villages comme: Saint-Etienne-l'Allier (Etienne vient du grec Stephanos=première pierre) ou Saint-Pierre-des-Ifs.


Ayant ainsi reconstitué l'environnement païen de la forêt du Vièvre, on peut maintenant mettre l'accent sur l'église très particulière de Saint-Grégoire-du-Vièvre.


Détails historiques sur l'église de Saint-Grégoire-du-Vièvre

Il peut être très intéressant, pour le chercheur, de situer dans le temps la création de ce rébus:

- On a découvert sur le territoire du Vièvre de nombreuses hachettes celtiques.

- La seigneurie de Saint-Grégoire appartenait au XIIIème siècle et au commencement du XIVème aux comtes de Vendôme. Catherine de Vendôme, leur héritière, épousa Jean de Bourbon, comte de la Marche, qui mourut le 11 juin 1393.

- Au XVIème siècle les Bourbon-Vendôme possédaient encore la seigneurie et le patronage de la paroisse de Saint-Grégoire-du-Vièvre (et c'est le seul et unique cas dans toute la forêt du Vièvre et alentour).

- Les murs de pierre de l'église ainsi que le rébus ont été estimés, par les archéologues, datant du début du XVIème siècle. A associer avec la possession de la paroisse par les Bourbon-Vendôme.

- Un personnage illustre est né et a été baptisé à l'église du minuscule village de Saint-Grégoire-du-Vièvre. Il s'agit de Mgr Charles-Louis Féron, né le 3 novembre 1793, et qui devint évêque de Clermont-Ferrand. Son nom est gravé sur le mur sud, certainement par lui-même.

- Au début du siècle, l'évêque d'Evreux Mgr Devoucoux, qui fut parait-il un grand admirateur de l'ésotériste Eliphas Lévy, visita cette église.

 

Le rébus de l'église de Saint-Grégoire-du-Vièvre

La façade sud de l'église de Saint-Grégoire-du-Vièvre présente la particularité d'abriter un rébus incrusté dans sa pierre. Les figures de ce rébus ont déjà été sommairement étudiées par un certain Join Lambert en 1888. Mais ce dernier n'a fait que lire l'évidence comme nous le verrons. C'est dire si le mystère reste complet... et oublié.


Nous allons maintenant présenter, d'ouest en est, les différentes parties du rébus placées sur le mur sud de l'église. A noter que le mur est aussi recouvert de graffitis de pèlerins: croix, cercles, clous d'exorcismes et, particularité très rare, le graffiti dit de Bethléem, en deux emplacements différents.


Bas du mur sud, au niveau de la taille, recouvert de graffitis de pèlerins


Graffitis, dit de Bethléem, composés des lettres IHS entrelacées

 

Présentation des images

De gauche à droite du mur sud de l'église, tout recouvert de graffitis de pèlerins, on découvre d'abord, au niveau des yeux, les images d'un cheval et d'un chevalier à pied.




Le Chevalier et sa Cabale


On retrouve ensuite une boule noire surmontée d'une croix, ainsi que des lettres, et enfin une sorte de corne, faite de deux parties.




Partie du rébus en lettres et images

Nous présentons ici le sens donné par Join Lambert en 1888 :

"Le monde est corrompu..." (cor rompu)

C'est d'ailleurs là où s'arrête le décryptage de Join Lambert.

Cette courte phrase est suivie d'un damier de 4 par 4 pierres, ainsi que d'une autre suite de "lettres-images", où l'on reconnait une faux et ce qui nous semble un C, un huit et un R.

Malheureusement aucune autre explication satisfaisante n'a été donnée jusqu'à présent.

 

Le mur est ensuite séparé par un premier pilier de renfort, où se trouve gravée une fleur de lys, dont les pierres qui devaient la colorer en noir dans le passé ne se trouvent plus.

On retrouve là le symbole de l'Alchimie et de l'oeuvre au blanc.
(Voir l'image de gauche)

Le rébus se poursuit ensuite avec une variation de damiers en noir et blanc, très travaillés. Le premier damier est composé de 4 rangées de 5 pierres (10 noires et 10 blanches). Le second est formé de 2 rangées de 5 pierres (5 noires, 5 blanches) et de 3 rangées de 7 pierres (10 noires, 11 blanches).




La partie en damiers du rébus

Puis une fenêtre est percée dans le mur. Le rébus se continue ensuite avec encore une variation sur le thème du damier, bien que des formes triangulaires fassent leur apparition.




L'apparition de triangles dans les damiers

Remarque: sur la photographie, la croix noire qui est posée sur une arche appartient à une tombe du cimetière adjacent, et ne fait donc pas partie du rébus.

Un autre pilier de renfort sépare le mur sud et nous présente une croix, noire, au même niveau que la fleur de lys vue auparavant (Voir image de gauche).

 

Enfin le rébus reprend sur le mur sud, très détaillé, et fait beaucoup penser au "combat des deux natures" des alchimistes, entrecoupé de damiers qui sont de plus en plus originaux. À noter en particulier le symbolisme des lignes verticales ainsi que la croix blanche.




Le combat des deux natures


Pour être complet, il faut citer la dernière parcelle du mur sud qui, sous une apparence quelconque, pourrait avoir en fait une signification primordiale (lignes horizontales):




Dernière partie du rébus

 

Certains damiers ont bien entendu été analysés avec le langage de l'héraldique (couleurs correspondant aux inclinaisons des traits). Les résultats sont très intéressants. Ils sont exposés dans la deuxième partie de cette étude.

 


Deuxième partie: Essai d'interprétation alchimique du rébus

Troisiéme partie: interprétation alchimique du rébus par Hervé DELBOY

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Gregoire.zip (318 kb) = 20 octobre 2001